Dès mes premiers pas en facilitation, j’ai toujours eu à cœur de mettre du mouvement dans mes designs.
J’ai toujours aimé jouer avec les postures, alterner les positions debout et assises, marcher, passer d’un espace à un autre, manipuler des objets, construire une restitution finale en utilisant les sons, le visuel, les voix, les interprétations, l’imaginaire. Plus par intuition que par compréhension consciente.
Je savais.

Puis, il y a deux ans, il y a eu cette rencontre.
Cette rencontre avec le Qoya.
Je n’aurais jamais imaginé, à ma première séance, ce que cette pratique allait m’ouvrir, et combien elle continuerait d’infuser dans ma vie aujourd’hui.
Mais je savais.
Je ne pouvais justement pas nommer “ce que je savais”, mais je ressentais que ça me parlait, que ça me permettait de me parler, de me raconter, de me dire.
Sans mot et sans symbole.
Ce n’est que deux ans après que j’arrive à l’exprimer de manière plus consciente.

En lisant Le Power du Je(u) de Sandra Bollé, l’exploration est devenue expérience.
J’ai lu que notre cerveau avait trois niveaux (néocortex, limbique et reptilien) et surtout que nous avions une trilogie de cerveaux !
Et là, tout s’est éclairé là-haut !
J’adore ces moments “aaaah”.
Et dans ce moment “aaaah”, il y a eu cette phrase : « notre cœur sait avant que notre cerveau comprenne ».
Mais oui, bien sûr.
C’est toute ma vie, cette phrase.

J’y découvre que nos intestins sont notre deuxième cerveau : 200 millions de neurones y vibrent, influençant nos humeurs, nos choix alimentaires… et nos décisions bien au-delà de ce qu’on imagine.
Quant à notre cœur, il contient environ 40 000 neurones, et envoie plus d’informations au cerveau qu’il n’en reçoit.
Il perçoit, ressent, mémorise.
Il peut ainsi “savoir” avant que notre tête ne comprenne.

Je fais alors le lien avec nos quatre énergies – physique, intellectuelle, émotionnelle, motivationnelle – elles-mêmes en lien avec nos quatre formes d’intelligence :

  • L’intelligence cognitive, celle que nous utilisons pour analyser, raisonner, planifier.

  • L’intelligence émotionnelle, qui nous relie à nos ressentis et à ceux des autres.

  • L’intelligence somatique, logée dans notre corps, qui capte, ressent, alerte, oriente.

  • Et l’intelligence intuitive, qui émerge souvent dans le silence ou le mouvement, entre deux pensées.

Le Qoya est la pratique qui m’a permis de réactiver ces trois dernières intelligences.
Aujourd’hui, je comprends mieux le subtil qu’elle détient.
Je fais le lien avec d’autres approches, comme l’intelligence corporelle, l’intelligence émotionnelle, ou les six circuits neuronaux développés par Davidson, dont la connexion sensorielle.
Cette dimension que j’avais mise en veille, par protection.
Parce que trop sensible, trop rêveuse, trop intuitive, trop visionnaire… pas assez conforme à l’ordre établi.

Mais en réalité, on ne peut pas s’en couper.
Ce que j’avais mis en sourdine, c’était simplement l’écoute, le dialogue entre mes trois cerveaux, jusqu’à ce que mon corps me crie de danser.
Tellement fort, qu’il m’était impossible de ne pas l’entendre.
Il arrive ce moment où le contenant ne peut plus en contenir davantage, et où il explose à l’intérieur.

Alors j’ai remis du mouvement.
J’ai recréé de l’espace pour que toutes ces parties de moi puissent s’exprimer.
Et j’ai appris.
J’ai réappris à ressentir.
Et j’ai appris, par le Qoya, à faire dialoguer mes trois cerveaux — tête, cœur, ventre — à les écouter, les aligner, les relier.
Comprenant que l’objectif n’était pas de les opposer mais bien de les faire collaborer.
Et ça change tout.

Parce qu’il ne s’agit pas seulement d’avoir une pratique corporelle à un moment, puis intellectuelle à un autre, mais de créer un espace où corps, cœur et esprit se retrouvent.
C’est là que j’ai eu mon deuxième “Aaaaah”.
Ça veut dire qu’à moi seule, je peux faire de l’intelligence collective intérieure, en activant et en faisant dialoguer mes trois cerveaux.
C’est pas beau, ça ?

Et puis, je me rends compte que c’est pareil quand je facilite.
Quand le groupe se fige, que les idées tournent en rond, que tout le monde regarde ses post-its sans vraiment les voir… souvent, c’est juste qu’on a quitté le corps.
On reste dans la tête, à chercher la bonne réponse, la bonne formulation, le bon cadrage.
Mais parfois, il suffirait juste… de bouger un peu.
De respirer. De fermer les yeux. De sentir ce qui se passe dedans.
Alors, les émotions qui coinçaient trouvent un passage.
Le brouillard mental se dissipe.
Et sans qu’on sache vraiment pourquoi, une idée nouvelle surgit, un point de vue change, un éclat de rire vient relier tout le monde.
C’est ça, la magie du corps dans la facilitation : il nous remet dans le vivant, là où ça circule.

Je crois que plus j’avance, plus je me dis que le rôle du corps, c’est d’être ce pont invisible entre le “je ne sais pas” et le “ah, maintenant je sens”.
Un passage du mental à l’évidence.
Et peut-être que faciliter, au fond, c’est juste ça : aider le groupe à sentir à nouveau.

C’était déjà là, dans ma façon de concevoir mes ateliers. Avant même que ma tête ne comprenne ce que mon corps savait.
Je sentais que ça ouvrait quelque chose d’autre.
Et c’est ce que j’ai eu envie d’explorer encore plus profondément pendant le Summer Camp 2025 de la facilitation avec Ya+K.
Avec Marion et ses connaissances du Social Presencing Theater, nous avons osé faire une place au corps, au ressenti.
Faire de l’intelligence collective avec nos trois cerveaux, à l’échelle individuelle et collective.
Pour remettre du mouvement là où ça fige.
Pour remettre de la sensation là où ça mentalise.
Pour faire une place au vivant, en nous et entre nous.

Parce que faciliter, ce n’est pas seulement structurer un déroulé ou poser des questions puissantes.
Faciliter, c’est ressentir le groupe, ajuster son énergie, s’ancrer dans l’instant, percevoir les signaux faibles, parfois même deviner l’invisible.

Et toutes ces compétences — l’écoute subtile, la présence, l’intuition, la réactivité — ne viennent pas seulement du mental.
Elles émergent d’un corps vivant, connecté, disponible.

Un·e facilitateur·rice qui habite son corps est un·e facilitateur·rice qui :
🤸‍♀️ sait revenir à lui·elle-même pour réguler un imprévu,
👣 fait circuler l’énergie dans le groupe par sa posture,
🫀 s’appuie sur ses ressentis pour sentir ce qui se joue au-delà des mots,
🧘‍♂️ reste aligné·e même quand tout tangue.

Remettre du corps dans la facilitation, c’est créer des espaces plus vivants, plus justes, plus incarnés.
C’est inviter chacun·e à penser avec tout son être, à se relier avec sincérité, à agir depuis un lieu plus profond.
C’est aussi offrir des portes de sortie au brouillard mental, réguler les émotions quand elles débordent ou cristallisent, réveiller la créativité là où les idées tournent en boucle, et changer de perspective non pas en forçantmais en bougeant.

MÉTHODES D’INTELLIGENCE COLLECTIVE MOBILISANT LE CORPS

Le co-design en mouvement (variante de la statue humaine)
Objectif : Faire émerger des idées en combinant intelligence collective et expression corporelle.
Déroulé :

  1. Divisez les participants en groupes de 3-5 personnes.
  2. Posez une problématique (ex. : Comment créer un collectif plus inclusif ?).
  3. Chaque groupe doit d’abord incarner physiquement un état actuel lié à la question (une statue collective, une séquence de mouvements).
  4. Ensuite, ils imaginent un état souhaité et le traduisent en une nouvelle posture/mouvement collectif.
  5. Tour à tour, chaque groupe montre ses deux mises en scène.
  6. Ensuite, ils doivent identifier une action concrète à mettre en place pour passer de l’état actuel à l’état souhaité.

Cas d’usage : Renforcer la cohésion d’équipe en explorant la complémentarité
Exemple : Une équipe projet commence un séminaire. Plutôt que d’expliquer leur manière de travailler avec des mots, ils construisent une séquence de mouvements où chacun ajoute un geste qui symbolise son rôle ou sa contribution. Cela permet de représenter visuellement et sensoriellement leur synergie et leurs interactions. Puis ce vers quoi ils souhaiteraent vivre/aboutir.

Le relais des idées (variante de “l’écriture tournante”)
Objectif : Générer des idées collectives en impliquant le corps dans le processus.
Déroulé :

  1. Un participant commence à formuler une idée en marchant dans l’espace.
  2. Dès qu’il hésite ou ralentit, un autre prend le relais, en posant une main sur son épaule pour signifier qu’il prend la parole et continue l’idée.
  3. Le processus continue jusqu’à ce qu’un concept global émerge.

Cas d’usage : Brainstorming créatif ou icebreaker pour un atelier de co-design
Exemple : Un groupe travaille sur une nouvelle offre ou un produit innovant. On laisse un temps individuel à chacun en marchant à rêver à ce qu’ils pourraient offrir. Un premier participant lance une première idée “et si nous….” uis un deuxième continue l’idée “ouiiiii ! et si en plus on….”

La spirale des solutions (variante de l’accélérateur de projets)
Objectif : Trouver des solutions collectives de manière dynamique et participative.
Déroulé :

  1. Placez une personne avec une problématique au centre de la pièce.
  2. Les autres forment une spirale autour d’elle en plusieurs cercles concentriques.
  3. Chacun avance progressivement vers le centre en donnant une suggestion rapide et spontanée (un mot, un geste, une idée).
  4. Lorsque tout le monde est arrivé au centre, la personne qui avait la problématique choisit une ou plusieurs idées qui lui parlent et partage comment elle compte les utiliser.
  5. Variantes possibles : intégrer des mouvements de « libération » après chaque tour (ex. : secouer les bras, souffler, sautiller) pour éviter de garder la tension liée à la problématique.

Cas d’usage : Trouver des solutions rapidement dans un contexte de résolution de problème
Exemple : Un entrepreneur rencontre un blocage sur un projet (ex. : manque de clients, problème logistique). Il se place au centre et expose son défi. Le groupe forme une spirale et, à chaque pas vers l’intérieur, propose une suggestion (un mot, une idée, une métaphore corporelle). Ce format rapide et dynamique évite l’analyse excessive et stimule des idées neuves et actionnables.

INSPIRATIONS POUR ALLER PLUS LOIN :

Formation :
Coach, formateur, facilitateur,… et si votre prochaine étape passait par le corps ?

Le parcours de formation professionnelle « corps et facilitation » vous donne les repères, le répertoire et la confiance pour introduire de façon concrète le corps dans les réunions.
Si vous voulez avoir plus d’impact et avoir des réunions plus vivantes et plus fluides, si vous voulez que les participants soient plus présents et plus authentiques, et qu’ils aient accès à toutes leurs intelligences créatives, relationnelles et cognitives. Cette formation pourrait vous intéresser.

https://www.presenceleadership.net/parcours-de-formation-corps-et-facilitation/

Méthodes et outils :
Le Social Presencing Theater – SPT – est né de la rencontre, en 2003, entre Arawana Hayashi, une danseuse, chorégraphe et professeur de méditation bouddhiste, et Otto Scharmer, professeur à la MIT Management Sloan School et co-créateur la Théorie U.

Les exercices du SPT ont été conçus pour développer notre conscience du corps et du corps social, pour « accroître notre capacité à maintenir une attention 100% à l’intérieur, 100% à l’extérieur », afin d’accéder à une perception plus claire des relations, des dynamiques cachées et des possibilités émergentes qui existent dans une équipe, une organisation et au sein de systèmes plus larges.
Le Social Presencing Theater permet de rendre visible, grâce à la mobilisation des corps, ce qu’on ne voit pas, ou ce qu’on ne veut pas voir.

https://www.u-school.org/resources

Un projet qui prend de l’ampleur  : DANS(E) TA CLASSE
Un protocole artistique crée par Marion Lévy basé sur le programme scolaire de la 6ème à la 3ème.
Avec Dans(e) ta classe, Marion Lévy propose une méthode pédagogique d’enseignement innovante qui questionne et confronte, d’un côté les pratiques de transmission des savoirs, base du travail pédagogique qui fait appel en premier lieu à l’intellect, et de l’autre, les pratiques artistiques dans laquelle l’appréhension du monde environnant se fait via d’autres sens et d’autres capacités.
Dans(e) ta classe est une méthode qui utilise le corps et la danse pour faire comprendre le programme scolaire aux collégiens.

https://marionlevy.com/actions-culturelles-eac/danse-ta-classe/

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